Interview du Dr Sarah BENZIANE sur la pollution aux particules fines
L’exposition à la pollution de l’air et aux particules fines est néfaste pour la santé de tous. En effet, ces particules très fines pénètrent facilement dans le corps et augmentent le risque de développer des maladies comme l’asthme, le cancer du poumon ou certains troubles cardiovasculaires.
Les particules PM10 – dont la taille est inférieure à 10 microns – sont générées par les gaz d’échappement des véhicules, l’activité industrielle ou le chauffage au bois.
Chez AFPRO Filters, nous nous soucions de vous protéger contre ces particules, dangereuses pour votre santé. Afin de vous apporter davantage de réponses concernant les particules fines, le Docteur Sarah BENZIANE, jeune pneumologue formée au CHRU de Lille, a répondu à nos questions concernant les particules fines.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis le Docteur Sarah BENZIANE, jeune pneumologue formée au CHRU de Lille. Je travaille actuellement en tant que pneumologue dans le département du Nord (59). Mon activité médicale est variée : hospitalisation, consultations, hôpital de jour, explorations du sommeil… La pneumologie prend en charge toute sorte de maladies respiratoires, allant de l’asthme, aux bronchites chroniques, pathologies pleurales et cancérologie
Que sont les particules fines ?
Les particules fines sont définies par leur taille (diamètre de 2,5 micromètres ou moins). On les appelle aussi PM2,5 (Particulate matter) ou particules respirables, car elles pénètrent dans l’appareil respiratoire plus profondément que les particules plus grosses.
Elles ont surtout pour origine des réactions chimiques dans l’atmosphère et la combustion de carburants (véhicules motorisés, production d’énergie électrique, installations industrielles, foyers domestiques, poêles à bois et brûlage des résidus agricole).
En dessous de 1 micron, on parle même de particules ultrafines.
En quoi sont-elles dangereuses ?
Leurs effets sur la santé sont encore mal connus. Les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées, les malades souffrant de pathologies cardiovasculaires ou respiratoires, de diabète et d’obésité seraient les plus sensibles.
Selon une étude de 2005 commandée par la Commission européenne, les particules fines seraient à l’origine chaque année en Europe, de 100.000 décès et 725.000 années de vie perdues. En France, entre 600 et 1.000 décès par cancer du poumon leur seraient imputables. C’est 6 % à 11 % de la mortalité par cancer du poumon. Quant aux décès par maladies cardiorespiratoires, on évalue entre 3.000 et 5.000 le nombre de ceux qui sont dus aux particules fines. Là encore, c’est donc 5 % à 7 % de la mortalité qui est inhérente à une exposition chronique à la pollution…
En octobre 2013, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé l’ensemble des particules fines, ainsi que la pollution de l’air extérieur, comme des cancérogènes certains pour l’homme, les matières particulaires étant le polluant associé le plus étroitement à une incidence accrue de cancers, en particulier du poumon.
L’étude ACS (American Cancer Society) a suivi plus de 500 000 sujets âgés de plus de 30 ans pendant 16 années et a retrouvé une association entre l’exposition aux particules fines et une augmentation du risque de décès (toutes causes : + 6 %, causes cardio-pulmonaires : + 9 %, par cancer du poumon : + 14 %). Les effets chez les enfants de femmes enceintes exposées montraient une diminution du développement pulmonaire, une augmentation de l’incidence des crises d’asthme, des prématurités et faibles poids de naissance.
Est – ce que les tailles de particules fines ont une conséquence sur leur dangerosité ?
Oui, étant données les dimensions réduites de ces particules, elles ne peuvent sédimenter sous l’action unique de la gravité (seules leur agrégation ou des précipitations permettent leur chute au sol).
Les particules fines se trouvent donc en suspension dans l’atmosphère, et le demeurent plusieurs jours formant donc des « aérosols » qui ont l’opportunité de pénétrer profondément dans les poumons, jusque dans les alvéoles.
Les pics de pollution sont-ils responsables de pathologies respiratoires ?
Théoriquement oui, l’inhalation de polluants au sein des voies respiratoires proximales (à partir de la trachée) et distales (jusqu’aux alvéoles pulmonaires) entraînent une inflammation locale, un stress oxydatif et une réponse allergique accrue, à l’origine d’un mauvais contrôle des maladies allergiques (rhinite allergique, conjonctivites allergiques, asthme) et des infections respiratoires plus fréquentes (bronchites, pneumopathies).
En réalité, l’impact semble davantage lié à la pollution de tous les jours qu’aux pics observés.
Quelles sont les conséquences de la pollution de l’air sur notre santé et notre espérance de vie ?
La santé cardiovasculaire et respiratoire de la population à court et long terme est inversement proportionnelle au niveau de la pollution atmosphérique.
- Selon l’OMS : en 2012, on estimait à 3 millions le nombre de décès prématurés provoqués dans le monde par la pollution ambiante (de l’air extérieur) dans les zones urbaines et rurales dont 72% résultaient de cardiopathies ischémiques et d’accidents vasculaires cérébraux, 14% de bronchopneumopathies chroniques obstructives ou d’infections aiguës des voies respiratoires inférieures, tandis que les 14% restants seraient imputables au cancer du poumon.
- Selon la Commission européenne du 31 janvier 2013, « plus de 80 % des Européens sont exposés à des niveaux de particules supérieurs à ceux préconisés par les lignes directrices sur la qualité de l’air émises par l’OMS en 2005. Cette exposition prive en moyenne chaque individu de 8,6 mois de sa vie ».
Chaque jour, l’OMS alerte sur les risques sanitaires liés aux particules fines. Constatez-vous une augmentation des problèmes ou des consultations liés à la pollution de l’air ?
Cette question est difficile à appréhender…
- Nous remarquons depuis de nombreuses années une nette variation saisonnière avec augmentation des infections respiratoires, des exacerbations d’asthme en période hivernale (décembre jusqu’en février-mars). Nous savons que cette période coïncide avec les mauvaises variations climatiques, rendant la situation propice aux épidémies virales (grippe, rhinovirus…) De façon concomitante, les pics de pollution sont fréquents à cette période de l’année (chauffage domestiques…)
- On connaît également l’incidence croissante des cancers du poumon. Il ne faut pas oublier les principaux facteurs de risque que sont le tabagisme, l’exposition à l’amiante… L’exposition aux particules fines joue très certainement un rôle mais il n’est pas quantifié à ce jour.
Quels sont vos conseils pour éviter de voir sa santé impactée par la pollution de l’air ?
Les moyens de prévention sont de 2 types :
- La prévention individuelle, en diminuant les émissions de pollution, en évitant les situations polluées, en évitant les zones les plus polluées, en augmentant la dispersion de la pollution.
- La prévention collective, par l’amélioration de l’air extérieur (diminution des émissions globales liées au trafic routier, aux sites industriels), par l’amélioration de l’air intérieur (exposition à l’amiante, composition des produits ménagers et notices d’utilisation) et prévention du tabagisme (interdiction de publicité, interdiction dans les lieux publics afin de limiter les expositions involontaires, campagnes de prévention dans les écoles)
Les conseils pour limiter l’exposition à la pollution extérieure : choisir des poussettes les plus hautes possibles pour les enfants en bas âge, mettre des masques pour manipuler des produits dangereux (bricolage …), inspirer par le nez et non par la bouche.
Les conseils pour limiter l’exposition à la pollution intérieure : ne pas fumer, éviter de laisser les animaux domestiques à l’intérieur des domiciles, aérer régulièrement les locaux, économiser l’énergie de façon raisonnable en conciliant chauffage / isolation / aération, utiliser les produits de nettoyage sans excès en évitant les formes aérosols, utiliser des aspirateurs à haute efficacité particulaire (filtres HEPA) pour éviter de remettre en suspension une partie de la poussière du sol, utiliser une serpillière mouillée plutôt qu’un balai pour éviter de remettre en suspension une partie de la poussière du sol, changer la literie toutes les semaines ou au maximum tous les 10 jours en laissant le matelas à l’air pendant plusieurs heures à chaque fois.
Lors des pics de pollution : limiter les activités physiques et sportives intenses (dont les compétitions), autant en plein air qu’à l’intérieur, limiter les déplacements sur les grands axes routiers et à leurs abords, aux périodes de pointe, consulter rapidement en cas de symptômes.
Pensez-vous que la qualité d’air intérieur, dans les bâtiments en France, est suffisamment contrôlée ?
La fumée domestique représente également un grave risque sanitaire pour environ 3 milliards de personnes qui font cuire leurs aliments et chauffent leur logement à l’aide de combustibles à base de biomasse et de charbon.
L’OMS estime que la pollution de l’air à l’intérieur des habitations était responsable de 4,3 millions de décès prématurés en 2012, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Chez les patients porteurs de maladies respiratoires chroniques difficiles à contrôler, nous faisons régulièrement appel à des conseillers médicaux en environnement intérieur, qui permettent d’évaluer la pollution intérieure de l’environnement des patients, souvent à l’origine du mauvais contrôle de leur pathologie respiratoire, sans que les patients n’en aient conscience.
Pensez-vous que la prise de conscience autour de la pollution de l’air est suffisante ?
La plupart des sources de pollution de l’air extérieur échappent totalement au contrôle des individus et nécessitent que les villes, les décideurs nationaux et internationaux, prennent des mesures dans des secteurs comme les transports, la gestion des déchets, le logement et l’agriculture.
A l’échelon individuel, la prise de conscience est probablement insuffisante, la population connaît peu les sources, les conséquences et les moyens de prévention à mettre en place, raison pour laquelle les politiques visent à sensibiliser et responsabiliser le grand public.
Comment concevez-vous l’évolution de cette problématique sur le long terme ?
Si les niveaux de pollution de l’air nous échappent totalement, nous risquons de voir augmenter les problèmes de santé en conséquence.
Les politiques mettent en place des actions de prévention et de diminution des émissions à l’origine de la pollution de l’air. J’espère sincèrement qu’en sensibilisant la population et en la responsabilisant, les efforts communs permettront d’éviter cette situation préoccupante.